André DAVID, « Dans la Mouvance du temps »

 

À L’occasion de la sortie chez Marcal Classics d’un CD André David

notre ami Alexis Galpérine nous présente plusieurs œuvres pour violon écrites en hommage au compositeur et figurant au programme du disque.

Origine d’une Suite

Alexis Galpérine

Les quatre pièces In Memoriam André David ont vu le jour dans le sillage de Monisme1. Singulière histoire que celle d’une série de partitions pour violon seul qui s’emboîtent comme des poupées russes. En effet, c’est une sonate de Jacques Chailley, donnée en 1992 en première audition, qui avait incité André à écrire une œuvre de même nature et c’est Chailley qui programma sa création à l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne.

 

Ainsi, quand André nous quitta en Juin 2007, et que ses amis compositeurs exprimèrent le désir d’honorer sa mémoire, c’est tout naturellement que naquit l’idée de confier au violon la mission d’être le porte-parole du projet, une idée qui fut d’emblée acceptée avec enthousiasme.

 

Les œuvres arrivèrent dans le désordre, relativement vite. Le premier à ouvrir le feu fut Jean-Jacques Werner, fidèle parmi les fidèles, qui avait dirigé Décan, Le Chêne de Lumière, Ortive… Son Élégie, ample et lyrique, qui s’inscrit dans la ligne germanique du violon polyphonique, fut déchiffrée sur manuscrit dans les locaux des éditions Billaudot avant d’être donnée au Théâtre de la Verrerie du Creusot (sur les terres de Pierrette2) puis à la Schola Cantorum.

 

La verve enjouée d’Alain Margoni convoque, elle, les mânes des figures mythiques de la musique et de la médecine : Orphée et Asclépios, qui s’opposent et se réconcilient, se lancent quelques traits fulgurants en forme de clins d’œil avant de prendre congé sur la pointe des pieds, sur une dernière salve de pizzicati évanescents et énigmatiques (rappelons qu’André David était médecin et compositeur). J’avais connu Alain lors d’un jury du Conservatoire, prélude à une séance de travail dans le salon de Pierrette, le même lieu où, vingt ans plus tôt, avaient surgi les premières notes de Monisme. La pièce fut créée en ouverture d’une exposition Alexandre Galpérine-René Char organisée par le musée Rimbaud de Charleville-Mézières.

 

Avec Jacques Castérède la veine méditative du violon confine au religieux. Les lignes étirées d’une cantilène, à peine soutenues par quelques doubles cordes, parlent d’elles-mêmes et révèlent la nature de l’auteur, faite de pudeur, de raffinement, mais aussi de repli dans l’intériorité. Il est à noter que c’est la seule page de la série dont la formule In Memoriam André David n’est plus un sous-titre mais le titre lui-même, annonciateur de la gravité du propos. J’avais joué avec Jacques dans le passé, appréciant au plus haut point son art de pianiste-chambriste, avant de venir lui présenter sa pièce de violon, chez lui, à Boulogne, rue Pierre de Coubertin. Il m’accueillit avec sa délicatesse habituelle et le travail fut marqué par la précision des nuances et des courbures de phrases. J’étais à mille lieues de penser que la maladie le frapperait durement et soudainement peu de temps après cette visite. De fait In Memoriam André David compte parmi ses pages ultimes, peut-être la dernière. Elle fut créée au festival des Nancyphonies dans les grands salons de l’Hôtel de Ville ouvrant sur les perspectives claires et lumineuses de la place Stanislas.

 

Autour d’une mélopée de Charles Chaynes est également une œuvre du crépuscule, une des dernières qu’il a pu achever. La sève, pourtant, est encore bien là ainsi qu’un arsenal technique qui vient opportunément nous rappeler que Charles était violoniste. Les mélismes orientaux de la partie centrale, entre deux sections tendues et vigoureuses, témoignent d’un temps où les vents apportaient plus que jamais des parfums en provenance des horizons lointains. Pierrette m’avait emmené à Saint-Mandé pour faire entendre l’œuvre à Charles et Odette Chaynes, et puis nous avions déjeuné en laissant ouvertes en grand les portes-fenêtres donnant sur leur jardin. La création eut lieu sous les voûtes de Saint-Roch, insérée entre le Fragment 1 de Monisme et la Chaconne de Bach. Je l’ai rejouée plusieurs fois, notamment dans la salle d’orgue du Conservatoire au cours d’un concert à la mémoire de Devy Erlih, et après la mort de Charles lors d’un concert-hommage organisé par Pierrette au Creusot avec le soutien de l’Institut de France (après une pièce de Charles jouée par Odette et Autour d’une mélopée, nous nous étions réunis pour donner la sonate « à Kreutzer »).

 

Sans préméditation les œuvres se sont présentées d’elles-mêmes comme une Suite In Memoriam André David, avec son ouverture (Werner), son scherzo (Margoni), son andante (Castérède) et son final (Chaynes). C’est sous cette forme et dans cet ordre qu’elle fut éditée chez Delatour-France, prélude au CD paru chez Marcal.

 

Sur ce disque figure une autre pièce pour violon, dernière poupée russe : le Caprice XV d’Antoine Tisné, directement inspiré d’un poème de Pierrette (Dans la mouvance du temps). Sans être une œuvre « In Memoriam » elle témoigne également du souvenir d’une amitié durable et solide. Par ailleurs, le hasard avait voulu que Tisné (qui fut mon président de jury lorsque je passai mon CA !) me parlât un jour de nos amis communs et plus précisément du Caprice dont il est question, exprimant le désir que je le joue. C’est aujourd’hui chose faite et tous les fils d’une même histoire sont ainsi reliés ; ils sont le signe de l’estime et de l’affection qu’André et Pierrette ont su faire naître autour d’eux et notamment chez leurs amis compositeurs. ♦


1 Œuvre pour violon seul d’André David

2 Pierrette Germain, épouse d’André David

 

 

 

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